Une semaine après mon retour de Neuchâtel et de la Chaux-de-Fonds, je garde encore en mémoire le sourire mystérieux de la Musicienne. Il n'est certes pas comparable à celui, plus célèbre, de la Joconde, mais cette créature artificielle animée dégage un charme étrange et une étonnante impression de vie. Ce merveilleux automate est une véritable œuvre d’art, l’un des androïdes parmi les plus célèbres du siècle des Lumières. Il a été réalisé, comme trois autres automates (l’un d’eux a disparu) par Pierre Jaquet-Droz, son fils Henri-Louis et Jean-Frédéric Leschot entre 1767 et 1774. La musicienne est une joueuse d'orgue qui peut réellement interpréter cinq motifs musicaux différents. En effet, ce n’est pas une simple boîte à musique, mais c’est l’androïde qui enfonce les touches d'un orgue avec ses doigts. Elle respire et suit des yeux le jeu de ses mains, elle fait des mouvements du torse comme un véritable organiste, et termine son récital par une révérence au public. Mais, même lorsqu’elle ne joue pas, la Musicienne semble encore plus vivante : sa poitrine se soulève et s’abaisse lentement, des mouvements subtils animent sa tête et ses yeux. En fait, on ne les remarque pas dans un premier temps, et il faut l’observer plus attentivement pour déceler ces infimes mouvements qui procure l’étrange sensation d’un être à jamais emprisonné en l’animé et l’inerte, entre la vie et la mort. Il y a beaucoup d’empathie pour cette musicienne mais, en même temps, son aspect mystérieux dérange. Nous sommes au bord de la vallée de l’étrange.
Pour arriver à ce résultat, les créateurs de la Musicienne ont choisi une jeune femme et non une adulte. La boucle d’animation dans la posture d’attente est très subtile, à peine perceptible. Elle n’a rien à envier aux animations stochastiques du même type que l’on utilise pour animer nos avatars et nos robots modernes. J’ai eu également l’occasion de voir les « dessous » de la belle et j’ai été étonné de voir le « réalisme » des détails de la poitrine. Je ne posterai pas ces images, eut égard au respect que je porte à la Musicienne, mais cela illustre bien le soin du détail apporté à la réalisation de l’automate, même sur des aspects qui, a priori, ne sont pas perceptibles par le spectateur. Cela confirme l’un des points importants pour la création d’un personnage inoubliable : même si l’on n’en perçoit que 20%, les autres 80% sont nécessaires et concourent à construire sa personnalité, à lui donner la richesse et la subtilité du vivant.
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