Sunday, June 09, 2013

L'intelligence collective de la grenouille

Mettons au clair immédiatement cette histoire : je n'ai rien contre les grenouilles. Au contraire. Mais, il faut bien reconnaître qu'elles ne brillent pas par leur intelligence collective.
Il y a bien longtemps maintenant, au siècle dernier, l'Intelligence Artificielle "classique" cherchait à réaliser une machine intelligente basée sur l'idée que l'on pouvait modéliser nos processus de raisonnement indépendamment de la structure du cerveau. Fertile aux débuts, avec en particulier les systèmes experts, cette approche a vite trouvé ses limites.
Dans le même temps, ou presque, le développement des Réseaux Neuronaux a pris le contre pied de cette démarche en adoptant le modèle du neurone formel. Là encore, malgré des résultats pourtant prometteurs, le réductionnisme inhérent à la méthode n'a pas permis de dépasser le stade d'applications mettant en scène quelques milliers de neurones artificiels.
Plus tard, l'Intelligence Artificielle Distribuée et l'Intelligence Collective ont caressé l'espoir de l'émergence. Il s'agit de voir apparaître des capacités cognitives inédites d'une communauté résultant des interactions multiples entre ses membres. Chaque agent possède une information locale et limitée et obéit à un ensemble de règles simples. L'intérêt provient plutôt des relations entre agents qui peuvent être nombreuses et multiples et d'où doit émerger une structure utile à la collectivité. Chaque individu trouve alors un bénéfice à collaborer et sa propre performance au sein du groupe est meilleure que s'il était isolé (source Wikipédia).
Okay. Mais cela me semble un peu... utopique. C'est un peu comme si l'on constituait une équipe de personnes ayant presque toutes les mêmes compétences, sans chef de projet, et que l'on espérait qu'émerge une organisation apte à résoudre les problèmes et mener le projet à son terme. On peut en rêver, mais cela ne marche pas (bien).
J'ai en effet beau chercher, aucun exemple d'intelligence collective de cette sorte, apte à résoudre  des problèmes complexes, ne me vient à l'esprit. Bien au contraire, nombre d'assemblées accouchent péniblement de consensus mous, qui ne résolvent pas grand chose si ce n'est leur propre continuité.
On me rabâchera les incontournables exemples des fourmis et autres insectes ou agents sociaux. Je suis évidemment d'accord, les ayant moi-même étudiés, programmés, simulés... Mais il faut bien reconnaître que ces exemples d'intelligences collectives sont limités à des comportements finalement assez simples : recherche de nourriture, regroupement, évitement, etc.
C'est comme si l'on s'attendait miraculeusement à ce que l'intelligence de la fourmilière puisse égaler ou dépasser l'intelligence humaine. Non et c'est bien là le problème. En aucun cas, ce type de système n'est apte à résoudre des problèmes dont la complexité dépasse de loin celle de leur propre organisation.
Si l'on souhaite progresser, il faut passer à de nouveaux modèles d'intelligence de la multitude. Ces modèles ne sont pas simples et ne peuvent se limiter à quelques règles élémentaires. Leur complexité ne peut tenir compte que du local et du global. Ils seront massivement parallèles avec de multiples niveaux d'organisations hybrides, dynamiques et interconnectés.
Alors, arriverons-nous à sauver les grenouilles d'une extinction annoncée? Rien n'est moins sûr. Mais cela vaut le coup d'essayer, n'est-ce pas?

Saturday, June 01, 2013

Les plantes cyborgs arrivent !

J’ai eu le plaisir dernièrement de suivre en tant que « Directeur de projet » les travaux d’un étudiant du Strate Design College, Matthias Schmitt, ayant pour objectif de réaliser une colonie de plantes cyborgs. L’idée surprend au premier abord et peut même paraître saugrenue, mais elle est dans les faits très riche et porteuse de sens.
Le nom du projet GÅ.IA évoque évidemment  la déesse mère antique, mais aussi l’hypothèse Gaïa de l'écologiste anglais James Lovelock, tout en pointant l’utilisation de l’intelligence artificielle. Tout un programme...
Le robot est constitué d’une plateforme mobile comprenant la partie mécatronique, les capteurs et l’intelligence artificielle, le tout associé à une plante. On pourrait penser qu’il ne s’agit que d’un « pot de fleur mobile », mais la symbiose entre l’artificiel et la plante a été poussée pour donner au végétal ce qui lui manque : la mobilité, l’intelligence et la capacité de communiquer avec nous (notons au passage que les plantes ont naturellement ces capacités, mais nous parlons ici plutôt au sens anthropomorphique des termes). Dans son projet, Matthias envisage des colonies de plantes cyborgs communicantes, déambulant dans nos cités urbaines avec quatre types d’applications : protection (contre les moustiques par exemple), alimentation (porteuse de fruits ou d’herbes comestibles), antipollution (filtrantes et fixation de toxines), décoratives et odorantes (pour lutter contre la pollution visuelle et olfactive).
Utopique? Pas tant que cela, comme le prouve le nombre grandissant de projets robotiques consistant à doter les végétaux de capacités technologiques. Citons par exemple, le robot JAP- Jurema Action Plant de Ivan Henriques, le projet de robot contrôlé par une plante (et non l’inverse) de James Stone, les Plantas nomadas de Gilberto Esparza, ou bien encore Botanicus Interacticus d’une équipe de chercheurs de Disney Research et montré au Siggraph en 2012.
D’autres travaux de recherche tentent de tirer profit des capacités de transformation de l’énergie solaire des plantes. Citons par exemple les feuilles artificielles de Kane Jennings et Peter Ciesielski, ou celles de Ramaraja Ramasamy etYogeswaran Umasankar.
En outre, on peut imaginer des plantes cyborgs à toutes les échelles du vivant : de l’arbre (et forêts)  jusqu’aux colonies de micro-plantes, tirant partie des cybertechnologies, des biotechnologies et des nanotechnologies. Les applications potentielles couvrent alors de très nombreux problèmes actuels : énergie renouvelable, pollution, aide à la personne, etc.
Alors que les cyborgs humanoïdes sont souvent appréhendés comme des monstres, les plantes cyborgs annoncent une forme de réconciliation de la technologie et de la nature. Alors, bientôt des plantes cyborgs dans votre appartement pour vous tenir compagnie?