L’Intelligence Artificielle (IA)
est comme la Force dans Star Wars. Il y a le côté obscur et le côté lumineux.
Le côté obscur est celui des
applications comme les drones militaires autorisés à tuer, celles permettant à
une entreprise de réduire ses effectifs, les systèmes prédictifs utilisés en
finance pour maximiser les profits, les systèmes d’analyse des comportements
afin d’évaluer l’attribution d’une assurance ou d’un prêt, etc. La liste est
longue.
Le côté lumineux est celui des
applications qui ne sont pas tournées vers le profit de quelques-uns, mais vers
celui du plus grand nombre. C’est par exemple le cas de l’éducation, de la
recherche, de l’art, de la santé, de la sauvegarde de la planète, etc.
Le côté lumineux est toujours
plus difficile que le côté obscur.
« Plus facile, plus rapide, plus
séduisant est le côté obscur », rappelle le vieux sage à son jeune et fougueux
apprenti. Nous savons tous cela, et
pourtant...
Je suis assez d’accord avec
l’analyse de Tim O’Reilly dans son livre WTF : What’s the Future and Why It’s Up to Us. Il y dresse un constat
pessimiste et lucide. Une de ses conclusions est qu’il nous faut changer « l’algorithme »
qui gouverne le monde économique. Il faut changer en tout cas sa fonction
d’évaluation. Celle-ci ne peut plus être la simple maximisation aveugle du
profit d’actionnaires. Elle devrait au contraire tenir compte de la complexité
du monde et des grands enjeux planétaires. Une telle fonction semble trop
complexe à définir ? Et bien, utilisons justement l’IA pour élaborer de
nouvelles solutions.
C’est utopique me direz-vous. Certes il y a l’action politique, mais
personnellement, je crois aussi à l’intelligence collective qui résulte de
l’action individuelle. Encore faut-il une véritable prise de conscience. D’où
la priorité en IA à l’information, l’éducation et la formation professionnelle.
L’autre grand chantier est celui
de l’éthique. Le problème n’est pas seulement de réfléchir à l’utilisation de
l’IA, mais encore une fois d’informer sur les entreprises et les produits qui
respectent une démarche éthique, c’est-à-dire respectueuse de la vie privée, du
progrès pour la majorité et non une minorité, etc. En bref, le côté lumineux.
« Mais comment reconnaître le bon
côté du mauvais ? » demande Luke à Yoda.
« Tu le sauras quand tu seras
calme, en paix, passif. » répond le maître Jedi.
C’est vrai, mais il faudrait
rendre plus simple et évidente l’information. Une solution possible serait de
mettre en place un label « IA éthique », ou toute autre formulation permettant
de comprendre que la formation, l’entreprise ou le produit utilise l’IA, mais
de façon conforme à une charte éthique.
L’intérêt du label est sa
capacité à être décliné pour l’adapter aux différents cas de figure : une
déclinaison pour les établissements proposant des formations à l’IA de qualité,
par exemple, et un autre pour ceux qui participent en plus à l’effort de
recherche. Ceci vaut non seulement pour les établissements publics, mais aussi
pour les établissements privés qui font partie intégrante du paysage de
l’enseignement supérieur.
La difficulté consiste à établir
le cahier des charges pour un tel label, qui soit à la fois simple et assez
sélectif pour représenter un véritable engagement, sans pour autant décourager
les acteurs, surtout les petites entreprises et les start-up. Il faut ensuite
communiquer pour faire connaître et inciter les acteurs à s’engager, puis
instruire ensuite les dossiers. Ceci ne peut être effectué que par une institution
indépendante et volontaire, avec un comité regroupant à la fois des instances
publiques, académiques et des entreprises.
De deux choses l’une : soit
l’IA est une nouvelle bulle amplifiée par le hype marketing, soit c’est une
révolution technologique qui va changer profondément les compétences et les
métiers. Je mets d’emblée de côté l’hypothèse saugrenue d’une singularité
technologique à laquelle j’ai déjà consacré un livre et de nombreuses
interventions.
Dans le premier cas, il
suffit d’attendre que le ballon se dégonfle et l’IA rejoindra la longue série
des buzz words qui furent pendant un temps à la mode. Cela ne serait pas la
première fois dans son histoire. Dans le second cas, il faut rapidement prendre
des mesures d’accompagnement afin de nous préparer aux changements qui ne
manqueront pas de survenir.
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